Alain Grand
L’Horloge du Fou
Editions de L’Aire, Vevey, 2008
Préface
Edition du texte complet du Journal
Choix des illustrations
Graphisme
Mise en pages
Huit situations
Julien et sa famille
Un enfant IMC de naissance manifeste une extraordinaire capacité de vie et d’échange entouré par sa famille et ses thérapeutes
Enfermé dans son corps
Les émotions de Julien sont intactes et puissantes. Il aime et déteste avec passion. Ses joies s’expriment par des éclats de rires et une lumière dans les yeux que tout le monde remarque. La douleur, l’inconfort, la peur se traduisent souvent par des spasmes ou des vomissements incontrôlables. Intensément vivant, il se trouve comme enfermé dans un corps qui lui refuse les moyens d’action et de communication que nous utilisons tous les jours sans y penser.
Le rituel de Julien et Vincent
Julien aime son père. Le soir, lorsqu’il l’entend garer la voiture, il pousse des cris de bonheur. Vincent sait que son fils l’attend avec impatience, il ne peut le décevoir. Alors pour ce père commence un cérémonial qui varie selon les jours : il traîne les pieds derrière la porte, il entre en faisant semblant de s’évanouir et se rattrape de justesse au portemanteau. Julien exulte. Vincent le prend dans ses bras, le soulève et l’embrasse. Ainsi enlacés, ils sont seuls dans un monde où n’existe que la joie d’être ensemble.
Juste équilibre
Malgré les secousses de l’existence, le couple tient bon. Georgina et Vincent restent unis, solides. Ils se parlent, rient beaucoup, ils jouent la même partition. Ils veulent une famille où le handicap de Julien ne prenne pas toute la place. Où chacun se sente aimé et respecté pour qui il est. Georgina cherche le juste équilibre : être pour Julien une maman et non une maman-thérapeute. Que chacun de ses enfants reçoive l’attention et l’amour dont il a besoin.
Des rêves pour Julien ?
« Qu’il sache qu’il est aimé, au fond de son être. Qu’il sache qu’il est précieux, du bout de ses ongles jusqu’en haut de sa tête. Qu’il n’a pas été créé par erreur. Qu’il n’est pas une demi-personne, mais qu’il existe une raison unique de sa présence sur cette terre. Que nous trouvions les moyens pour qu’il puisse communiquer et aider les autres à mieux se comprendre. »
Loli et Manu
Au sein d’un couple magnifique, une femme souffrant de graves crises de dépression, soutenue par son mari, devient à son tour proche aidante quand celui-ci développe un cancer
L’abîme s’ouvrait devant moi
« Cette électricité qui m’envahissait était le prélude à une chute qui naissait au plus profond de moi. J’essayais de résister, de me secouer comme on dit, mais la fatigue m’étourdissait, je n’avais qu’une envie, me glisser dans mon lit et dormir… Ne plus me réveiller, ne plus affronter mes démons qui jaillissaient, j’étais happée dans cette spirale, je tentais d’en sortir, mais je m’enfonçais doucement, attirée dans une torpeur aussi inquiétante que reposante. Et là je disparaissais, l’abîme s’ouvrait devant moi, j’y plongeais, que pouvais-je faire d’autre ? »
Soudain Loli s’éteint
« A mes yeux Loli est la plus belle femme au monde, je l’admire dans sa facilité de contact, j’aime la voir travailler au jardin, réunir une dizaine d’amis à notre table, fêter Noël en juin. C’est une femme exceptionnelle. Mais il y a un revers à son enthousiasme, à cette soif de vivre : soudain, Loli s’éteint. »
Relâcher la pression
« Lorsque nos deux parents étaient hospitalisés, c’était la course : aller voir ma mère, passer chercher ma grand-mère pour se rendre au CHUV, visiter notre père, raccompagner ma grand-mère qui pleurait… Au retour de nos périples, nous baissions les vitres de la voiture et nous chantions à tue-tête. Une façon de relâcher la pression. Nous aimons toutes les deux le footing. En guise de thérapie, chaque soir nous courions plus de dix kilomètres. Après on dormait comme des souches. »
Me délecter de la vie
« Lors de ces trois épisodes, je me souviens que j’accusais une grande fatigue. Je dois prendre davantage soin de moi, ne pas trop tirer sur la corde. Il est vrai que j’en fais beaucoup. La vie semble m’appeler sans cesse à de nouvelles rencontres. Je vais apprendre à me reposer. Je ne peux dire que j’ai peur de retomber dans cet enfer, j’y pense souvent, mais je veux aussi oublier, me délecter de la vie… Y arriverai-je ? C’est un vrai défi, je vais le relever. »